Après avoir défini les principaux éléments mécaniques de la voiture, il était désormais temps de réaliser son architecture et de définir ses dimensions à l'aide de mesures ergonomiques.
Etude sur le réel
Tout objet interagissant avec l'Homme doit être conçu autour de son ergonomie. Ceci est d'autant plus vrai pour une voiture. Pour qu'une personne se sente bien dans son véhicule, une attention toute particulière doit être portée aux dimensions de l'habitacle, aux distances entre les différents éléments (distance des pédales au volant, angle de vue, hauteur d'assise...)
Pour concevoir notre supercar, nous avons étudié l'ergonomie de modèles concurrents.
Ces mesures auraient pu être réalisées sur un modèle 3D fidèle à la réalité, ce qui aurait été suffisant pour définir les dimensions intérieures de notre ZC9. Mais ça n'aurait pas été drôle...
Ainsi, nous avons rendu visite au concessionnaire AMD Sport de Vieux Charmont qui nous ont très gentiment laissé l'accès à leur Lamborghini Huracàn et Ferrari 458 Italia pendant toute une après-midi ! Un grand merci à eux pour leur gentillesse.
AMD Sport (Groupe Courtage Auto) :
Garage AMD Sport avec "nos" Lamborghini et Ferrari
Nous avons ainsi pu examiner ces deux habitacles sous toutes leurs coutures. En plus du côté plaisant de l'opération, ces mesures en réel permettent de "sentir" les dimensions et le confort plutôt que de se baser uniquement sur des métriques. Cela permet d'ajuster les dimensions de la ZC9 pour un meilleur ressenti.
La mesure des dimensions intérieures correspond à une logique bien précise. De nombreux travaux d'ergonomie ont abouti sur des mesures normalisées, comme celles montrées en exemple ci-dessous.
Réalisation de graphiques d'ergonomie
Une fois ces données obtenues, on réalise des graphiques des distances et angles de vue en fonction des percentiles de la population afin que l'intérieur convienne au plus grand monde (ou dans le cas de la supercar, à la majorité des clients, qui correspond à un archétype différent de la population générale).
Qu'est-ce qu'un percentile ? Cela correspond à la taille d'une personne plus grande que X% d'une population donnée. Par exemple, un homme du 50e percentile sera plus grand que 50% des hommes. Autrement dit, c'est la moyenne. Une femme du 95e percentile est quand à elle plus grande que 95% des femmes.
Les tailles type varient aussi en fonction de l'ethnie et de la culture: En moyenne, les Hollandais sont plus grands que les Indonésiens. Les Américains sont plus corpulents que les Japonais, etc.
Pour adapter notre véhicule aux clients type, il faut savoir qui est un client potentiel pour notre véhicule. Ici, les clients type sont des hommes originaires d'Amérique du Nord, d'Asie de l'Est, du Moyen Orient et d'Europe. Ils sont plus âgés que la moyenne et plus corpulents. Ils sont également plus grands.
Ainsi, notre ergonomie doit être conçue de manière à favoriser les hommes grands (tout en essayant de contenter un maximum de personnes en dehors de cet archétype).
Archétype 1
Ici, on analyse l'extrême haut en terme de taille : Un homme plus grand que 95% de la population française.
Archétype 2
Ici, on analyse l'homme moyen. On va optimiser les dimensions de l'interieur pour les personnes situées entre l'archétype 1 et celui-ci.
Archétype 3
Ici, on analyse une femme du 5e percentile. Cet archétype représente l'extrême bas en terme de taille. La conception n'est pas optimisée spécifiquement pour ce gabarit, mais il faut qu'il puisse se sentir à l'aise dans le véhicule.
Création d'un intérieur basique
Une fois notre package dimensionnel défini, nous avons réalisé une maquette numérique des dimensions de l'habitacle. Cette conception basique sert à valider nos dimensions et à créer notre véhicule autour.
Maquette numérique avec les principaux éléments mécaniques rajoutés (Et des contraintes de position qui ont sauté au niveau du V8...)
Des analyses plus poussées sont ensuite réalisées avec plusieurs archétypes d'utilisateurs afin d'ajuster les détails d'ergonomie (détails de conception, mais qui font toute la différence dans l'utilisation !). Dans notre cas, nous n'avons pas réalisé ces mesures sur la ZC9 car l'intérieur complet n'était pas terminé. Cependant, un autre projet d'analyse ergonomique d'une Lotus Exige S réalisée avec Mr Pierre Pieds-Ferrés permet d'illustrer la démarche à suivre.
Identification des scénarios d'usage
Grâce aux analyses précédentes, nous avons optimisé la position du conducteur en situation de conduite. Mais l'utilisation d'un véhicule ne se résume pas à être derrière le volant. Un ergonome doit imaginer toutes les situation d'utilisation pour optimiser chacune d'entre elles. Ainsi, nous créons des cas d'usage.
Dans la suite, nous avons deux exemples : l'entrée/sortie du conducteur et l'accessibilité aux commandes de l'habitacle.
Cas d'usage 1 : Entrée/sortie
Comme son nom l'indique, ce cas étudie l'entrée et la sortie du conducteur ou passager. Pour étudier avec fiabilité le mouvement, on demande à plusieurs personnes d'entrer et de sortir du véhicule. Puis on reproduit leurs positions clé, c'est à dire les plus contraignantes, avec un mannequin numérique sur CATIA.
Une fois les positions déterminées, on réalise une analyse RULA (Rapid Upper Limb Assessement) qui permet de déterminer le stress (= pénibilité) d'une action sur le corps. Ces analyses ne sont pas destinées à évaluer des tâches répétitives ou prolongées, mais pour une situation comme celle-ci durant quelques secondes, elle se révèle très représentative de la réalité.
L'analyse RULA prend en entrée une position donnée et attribue un score de pénibilité sur chaque membre entre 0 et 7. Plus le score est élevé, plus la position est pénible à supporter. Ces scores sont représentés par des couleurs allant de vert à rouge.
Cas d'usage 2 : Accessibilité conducteur
Ce cas étudie l'accès aux commandes de l'intérieur. Après des analyses en réel, des aires d'atteintes (les boules bleues) sont modélisées.
Ces aires sont étudiées pour chaque archétype de personne. Cela permet de caractériser l'accessibilité aux commandes pour chacun. Ainsi, on peut savoir s'il faut tendre le bras pour atteindre la commande X ou s'il faut au contraire le fléchir. Cela permet d'optimiser le positionnement des commandes.
Ci-dessous, analyse de la position du levier de vitesse avec plusieurs percentiles de population.
Empattement et répartition des masses
L’architecture a principalement été décidée à partir des dessins initiaux, ce qui a conduit à une architecture avec un moteur central arrière. C'est l'idéal pour la répartition des masses.
Le sous-châssis arrière est tubulaire et est fixé sur la monocoque en carbone, qui inclus la cellule centrale et le sous châssis avant. Le réservoir se retrouve à l’arrière du cockpit afin de centrer les masses au maximum.
La barquette carbone avec son sous-châssis arrière et la partie crash à l'avant
Le sous-châssis arrière avec le bloc moteur
L’empattement de la ZC9 est de 2650mm, ce qui est une valeur moyenne pour une supercar de cette catégorie, sachant qu’un empattement court favorise l’agilité et le dynamisme alors qu’un empattement long favorise la stabilité en virage. La largeur de voie avant est de 1600mmm et 1626mm à l’arrière permettant d’avoir beaucoup d'adhérence latérale.
Les batteries ont été positionnées derrières le conducteur et le plus bas possible afin d’abaisser le plus possible le centre de gravité.
Le moteur électrique est placé sur le train avant afin d’équilibrer les masses dans le but d’obtenir une répartition des masses finales de 40% à l’avant et 60% à l’arrière.
Empattement (Espace entre le moyeu des roues) : 2650 mm
La ZC9 est équipé d’une unité thermique et de batteries qui subiront de fortes charges et décharges dans le cas d’une conduite sportive. L’unité thermique dispose de turbos générant de l’énergie thermique supplémentaire à dissiper. Le choix s’est porté sur un radiateur d’eau central combiné pour le moteur thermique et le module électrique comprenant les batteries et le moteur électrique. Ce choix a été fait afin d’optimiser l’efficience aérodynamique du véhicule. L’air chaud est conduit en dessous du moteur électrique et se retrouve expulsé au niveau du pare-brise.
De part et autre de l’entrée d’air centrale, on retrouve deux condensateurs pour l’unité de climatisation, dont l’air chaud est expulsé dans l’arche de roue avant.
Pour refroidir les turbos, il y a un intercooler dans la partie basse de l’aire arrière gauche et on retrouve un radiateur d’huile de l’autre côté. L’air sera expulsé à l’arrière du véhicule.
Une prise d’air au niveau des phares avant alimente les freins en air frais.
L’admission d’air s’effectue avec des entrées d’air situé derrière les portes.
Géométrie des suspensions
Nous avons également réalisé la géométrie de suspension avant. C'est une suspension de type double triangulation qui permet de nombreux réglages et est assez simple dans sa conception. En revanche, elle est assez encombrante.
Il y a un troisième poussant (les ressorts rouges) au milieu de la suspension afin de découpler le soulèvement des roues. Cela permet une utilisation optimisée du capital pneu (le temps et la surface de contact entre le pneu et la route).
C'est un système très efficace mais qui prend de la place. Dans notre cas, nous pouvons le loger sous le pare-brise.
La géométrie de suspension a été définie comme suit :
Angle de chasse | 8° |
KPI | 8° |
Carossage négatif statique | 2,5° |
Déport au sol | 5 mm |
Ouverture | 0,05° |
Anti-plongée | 73% |
Concrètement, qu'est-ce que cela signifie ?
L'angle de chasse est l'angle formé par la ligne reliant les deux triangles de suspension entre eux par rapport à la verticale. Plus cette valeur est élevée, plus la résistance du volant sera grande. Dans le cas d'une supercar, on souhaite une direction assez dure, donc la valeur de 8° est assez élevée.
Le KPI ou Kingpin angle est aussi l'angle formé par la ligne reliant les deux triangles de suspension entre eux par rapport à la verticale, mais en regardant le véhicule en face et non plus de côté. La valeur de 8° permet cette fois-ci d'augmenter le carrossage de la roue.
Le Carrossage (Camber en anglais) est l'angle formé entre le pneu et la route. Une valeur négative permet d'optimiser l'adhérence en virage car la surface du pneu extérieur en contact avec la route sera plus importante. Une voiture de route a typiquement un carrossage compris entre 0 et 1,5° tandis qu'une voiture de course peut avoir un carrossage allant jusqu'à 4°. Nous avons une valeur de 2,5°.
Le Déport au sol est la distance entre l'axe de la roue et l'axe de rotation de la roue. Un moteur électrique entraînant les roues avant, le couple appliqué aux roues est considérable. Ce couple peut se transmettre dans la direction, ce qui la parasite et peut rendre le comportement du véhicule dangereux. Un déport au sol important permet de grandement réduire ces effets. Nous avons choisi une valeur de 5mm.
L'ouverture représente le pincement des roues avant par rapport au sens d'avancée du véhicule. Un pincement vers l'intérieur permet d'augmenter la stabilité en ligne droite.
L'anti-plongée est composé du ressort et de l'amortisseur et permet d'éviter que le véhicule ne se cambre trop vers l'avant lors des phases de freinage.
Conclusion
Notre ZC9 a bien avancé et dispose maintenant de dimensions intérieures ergonomiques, d'une architecture cohérente et d'une suspension adaptée. La phase suivante concerne le design extérieur qui fera l'objet d'un prochain article. Merci de votre lecture !
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